Nous, les femmes (French Edition) by Gabrielle DESABERS

Nous, les femmes (French Edition) by Gabrielle DESABERS

Auteur:Gabrielle DESABERS [DESABERS, Gabrielle]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2023-06-24T22:00:00+00:00


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ADÉMAR

8 juillet 2017

Hier, Colette ne nous a autorisés à la quitter que lorsque nous lui avons eu tous les deux raconté les grandes lignes de notre vie. En sortant de chez elle, Bérénice et moi étions troublés. Ou cette femme cachait bien son jeu ou décidément, notre père se révélait aussi peu aimant, tolérant et chaleureux que le souvenir que nous en gardions. Immanquablement, dans le métro, notre conversation a dévié vers lui. Aucun de nous n’a réussi à faire émerger un moment agréable vécu avec lui. Toute notre enfance, il est demeuré cet homme distant qui ne nous adressait la parole que pour nous donner des ordres ou nous remonter les bretelles devant un bulletin scolaire moyen. Il nous voulait excellents. Au fil de notre discussion, nous avons constaté que nous n’avions jamais osé parler de lui comme actuellement. En effet, il nous avait quittés trop tôt. À 18 et 20 ans, nous n’étions pas sortis de son emprise et sa disparition ne nous a pas offert le loisir de l’analyser avec le recul que permet la maturité. Et puis, dans notre formatage éducatif, l’idée de critiquer un mort nous révulsait.

Au terme de nos échanges, nous sommes convenus que son décès représentait probablement une libération pour nous deux. Aurions-nous réussi à nous épanouir sous sa férule ? Bérénice était persuadée qu’il l’aurait cantonnée dans des rôles très féminins. Et moi, je constate que malgré son absence, j’ai choisi la profession dont il devait rêver pour moi. Mais ma construction actuelle me permet d’admettre que mes désirs pouvaient correspondre au sien. J’adore mon métier.

En cette fin de semaine, Marlène est partie en Bretagne rendre visite à sa famille. Bérénice et moi profitons seuls de notre appartement. De ce fait, hier, en saluant Colette, je lui ai proposé de venir déjeuner avec nous. J’ai bien senti que ma sœur se contractait auprès de moi, mais je n’ai pas la même vision des choses qu’elle. J’estime que nous n’avons pas à nous méfier de cette grand-mère. Je veux lui laisser toutes ses chances sans construire de barrière entre elle et nous. D’ailleurs, le constat établi ensuite dans le métro me donne raison et Bérénice en a convenu.

J’œuvre en cuisine pendant que Bérénice s’occupe de dresser la table. Le carillon de la porte me surprend. Colette aurait dû sonner à l’interphone. Je comprends vite que le visiteur importun n’est autre que Cyril qui lance :

— J’étais venu pour vous proposer de partager un apéritif, ça vous dit ?

La voix mielleuse de Bérénice m’amuse. Je doute qu’elle s’adresse à tous les hommes sur ce ton-là :

— Désolée ! Nous avons invité notre grand-mère à déjeuner et elle ne devrait pas tarder. En revanche, ce soir, nous sommes disponibles.

Cyril s’empresse d’accepter ce report et le rendez-vous est fixé à 19 h après le retour de Marlène. Je ne suis pas intervenu, mais quand ma sœur pointe son nez près de mes fourneaux, je remarque :

— Tu n’arriveras jamais dans son lit si tu n’essaies pas de transmettre un peu plus de signaux.



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